L’histoire du karaté shotokan

Maître Gichin Funakoshi : du karate-jutsu au karate-dō

Les origines du shōtōkanryu, plus souvent appelé en français karate shōtōkan sont indissociables de celles de son fondateur, Maître Gichin Funakoshi (1868 – 1957). En premier lieu, il contribue à l’exportation du karate d’Okinawa (qui porte encore à l’époque le nom d’« Okinawa-te », ou de « Tô-de », la main de Chine), en direction du Japon. Il participe ainsi en 1906 à la première démonstration technique auprès des officiels de la métropole japonaise. Puis, en 1922, il publie le premier ouvrage intitulé Ryu Ryu Kenpo Karate, ce qui contribue à fixer par écrit un art jamais transmis par ce biais jusqu’à présent. Pour l’anecdote, sur la couverture de cet ouvrage, perdu lors du grand tremblement de terre de Tokyo en 1923, figurait un tigre, qui constitue jusqu’à nos jours l’emblème du karate shōtōkan.

Une édition remaniée est publiée en 1925, Rentan Goshin Karate Jutsu. C’est cette même année que Funakoshi, devant la montée de l’ultranationalisme japonais et l’accroissement des tensions entre Chine et Japon, modifie les sinogrammes constituant le mot karate. On ne parle dès lors plus de main « chinoise » (唐) mais de main « vide » (空). En utilisant la terminologie japonaise, il souhaite rendre plus accessible son art au public japonais et gommer ses origines chinoises. Vers 1929, il modifie encore les termes, passant de karate- jutsu à karate-do. Enfin, en 1935, Funakoshi publie Karate-do Kyohan dans lequel il décrit tous les katas tels qu’il les conçoit et les enseigne.

Cette méthode d’enseignement du karate est une profonde nouveauté pour l’époque. Elle tranche avec celles qui l’ont précédé. En effet, Gichin Funakoshi est l’héritier d’un enseignement traditionnel du karate à Okinawa, sous l’égide de Maître Azato. Il s’agit d’un entraînement encore marqué par le sceau du secret. Lors de la conquête de l’archipel des Ryukyu par le Japon au XVIIIe siècle, les divers arts martiaux de l’île, frappés d’interdiction, avaient pris la voie de la clandestinité jusqu’au milieu du XIXe siècle.

A la fin du XIXe siècle, l’enseignement de Maître Azato repose donc sur l’apprentissage des katas, à raison d’un tous les trois ans, motif pour lequel Gichin Funakoshi en retiendra le caractère austère des répétitions, mais aussi, malgré tout l’esprit de la pratique.

Un autre Maître, Itosu, marquera l’approche de Gichin Funakoshi. En effet, celui-ci, entraîné aux côtés de Maître Azato par Maître Matsumura, introduit l’Okinawa-te dans l’enseignement des écoles de l’île. Il procède pour ce faire en 1907 à une simplification des katas anciens, qu’il juge trop longs. Kanku, Bassai, Gankaku et Jion, sont ainsi simplifiés pour donner les cinq Pinan (aujourd’hui, les cinq Heian). C’est cet enseignement que Gichin Funakoshi contribuera encore à perfectionner.

Par la suite, Funakoshi crée le premier dojo de karate tokyoïte en 1935. C’est à cette occasion d’ailleurs qu’est donné le nom de « shōtōkan » au karate : « Shōtō » est le pseudonyme de poète de Gichin Funakoshi (le dojo étant ainsi la « maison de Shōtō ». Celui-ci perdurera jusqu’à sa destruction sous les bombes américaines pendant la Seconde Guerre mondiale

Maître Yoshitaka Funakoshi et l’émergence du style shōtōkan

L’histoire du karate shōtōkan s’inscrit également dans une histoire familiale. Là où Gichin Funakoshi pose les jalons du développement du karate au Japon et s’inscrit en précurseur, Yoshitaka Funakoshi (1906-1945), son fils, contribue à l’émergence véritable du style shōtōkan.

Yoshitaka Funakoshi est diagnostiqué de la tuberculose à l’âge de 7 ans, et démarre la pratique du karate à l’âge de 12 ans en vue d’améliorer son état de santé. C’est de cette même maladie qu’il décède en 1945.

Sa contribution au style est conséquente, avec notamment l’introduction de nouvelles techniques comme le yoko-geri, le mawashi-geri et le ushiro-geri. S’inspirant des travaux de Maître Otsuka, mais aussi du  kendo  et du  iaido, il formalise également les exercices que sont le kumite, le jyu kumite, et le jyu ippon kumite (sur la base sur ippon kumite).

C’est d’ailleurs lui qui rédige la partie technique de l’ouvrage Karate dō nyūmon (introduction au karate),  son  père rédigeant quant à lui la  partie  historique à ce  sujet.

Son style très personnel est celui que plusieurs karatékas adopteront plus tard.

À cette époque, le karate shōtōkan est encore uniquement un budō, une pratique martiale fédérée au sein de la Dai Nippon Butokukai aux côtés d’autres écoles de karate, mais  aussi du judo,  du  kendo ou du sumo. Ce n’est que plus tard qu’il prend une orientation plus sportive et compétitive. Pour autant, il faut là aussi noter l’apport de Yoshitaka Funakoshi, qui développe le kokan geiko, des entraînements collectifs entre dojos. A cette occasion ont lieu des compétitions entre dojos.

Développement du karate à l’international sous l’égide de Maître Masatoshi Nakayama : fondation de la JKA

Contrairement à ses prédécesseurs, originaires d’Okinawa, Masatoshi Nakayama (1913-1987) débute l’étude du karate shōtōkan en 1932 à l’âge de 19 ans, au cours de ses études de chinois à l’université Takushoku. Il étudie cinq ans sous l’égide de Maître Funakoshi, avant d’être appelé comme interprète en Chine dans le cadre de l’occupation japonaise de la Mandchourie puis de la Seconde Guerre mondiale.

Il revient au Japon en 1946 en 1945 à Tōkyō après la défaite du Japon et reprend sa pratique du karaté avec Maître Funakoshi. Il fonde en 1949 avec d’anciens disciples du vieux Maître, la Japan Karate Association. Il en sera le principal animateur jusqu’à sa mort.

La JKA se développe rapidement jusqu’à regrouper plus de 10 millions de membres dans plus de 155 pays, notamment aux Etats-Unis et en Europe. Ceci passe par les nombreux voyages que Nakayama réalise à l’étranger, et la vingtaine d’ouvrages que celui-ci publie sur le karate-dô, tels que La Dynamique du Karate (deux volumes), les Katas de Karate (5 volumes) ou bien encore la série en onze volumes de Karate supérieur. Ceci permet à la JKA de se doter d’un programme destiné aux instructeurs dans le monde entier.

En parallèle, le karate devient véritablement un sport : la JKA organise ainsi en 1957 le premier championnat du monde, le All Japan Karate Championship, deux mois après le décès de Gichin Funakoshi. Il est remporté par Hirokazu Kanazawa, qui devient par la suite un autre grand Maître du karate shōtōkan.

Le 14 avril 1987, Masatoshi Nakayama meurt à l’âge de 74 ans.

Sensei Okazaki a dit de lui : « Il a été un véritable Maître de karate-dō qui a complètement absorbé toute la philosophie, les techniques et idées de Funakoshi, et a consacré toute sa vie à les transmettre au monde entier ».

De nos jours, le karate compte plus de 100 millions de pratiquants de par le monde, dont environ 80% pratiquent le style shōtōkan.

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